'est dimanche. Il est encore tôt, le soleil brille et l'air est frais : journée idéale pour une sortie. Un groupe de randonneurs, jeunes et moins jeunes, s'est déjà réuni à l'orée d'un sentier de montagne dans les environs de Taïpei. Tout le monde semble de bonne humeur, riant, plaisantant et bavardant. L'enthousiasme est de mise. « Est-ce que tout le monde est prêt ? », crie le guide. « Oui ! », répondent les randonneurs à l'unisson. « Bien ! Partons et profitons-en ! »
Ni travail ni classe aujourd'hui. Le moment est venu de se fondre dans la nature. Disposant de deux week-ends complets par mois, les habitants de Taïwan peuvent désormais mieux gérer leur temps et partir à la découverte des régions sauvages de l'île. « Ah ! On a congé ce samedi, s'enthousiasme Tseng Fen-fang. Il n'y a que pendant ces moments-là que je peux échapper à la routine de mon travail et partir en randonnée, mon occupation favorite. » Elle explique qu'avec le week-end de deux jours, elle peut organiser une excursion le samedi et vaquer à ses tâches ménagères le dimanche. « Je suis contente de cette nouvelle disposition qui me permet de m'adonner à mon loisir préféré sans pour autant négliger le reste », ajoute-t-elle.
Tseng Fen-fang aime la randonnée parce que c'est une activité simple, bénéfique tant pour la santé physique que l'équilibre mental. « En montagne, je respire l'air pur, je profite de la beauté du paysage et je fais de l'exercice. C'est une immersion dans la nature et je me sens vraiment bien, déclare-t-elle. J'apprends aussi à reconnaître de nombreux insectes et plantes grâce au guide et aux panneaux disposés le long des sentiers. De cette façon, la randonnée n'est pas seulement un divertissement ; c'est aussi une façon de s'instruire. » Tseng Fen-fang précise qu'il existe maintenant de nombreux sentiers de montagne dans les environs de Taïpei, pratiquement tous accessibles par le bus. « En général, il me faut entre trente minutes et une heure pour me rendre au point de départ d'un parcours. Comme c'est une activité qui n'exige rien de spécial, c'est devenu mon loisir numéro un durant le week-end », conclut-elle.
Chen Kao-der, un responsable de l'Office de la Gestion des Entreprises de la Municipalité de Taïpei, explique que son administration s'occupe de l'entretien de 69 sentiers de montagne dans les seuls environs de la capitale, dont la longueur varie entre 1,5 et 3,5 km. Pour l'essentiel, ils sont répartis dans les zones montagneuses de Peitou, Shihlin, Neihu, Nankang, Hsinyi, Ta-An et Wenshan. « Ces sentiers, qui ont été égalisés, sont parfaitement adaptés à la marche. La randonnée convient donc à tout le monde, jeunes et moins jeunes, explique Chen Kao-der. Plusieurs tracés s'offrent aux promeneurs qui peuvent ainsi suivre des parcours différents à chaque fois. »
Chen Kao-der fait remarquer que les journaux fournissent souvent les informations les plus récentes sur la randonnée, l'escalade et les autres activités qui sont organisées dans toute l'île le samedi et le dimanche. Il estime que le système de deux week-ends complets par mois a favorisé le développement des loisirs. « Aujourd'hui, les gens ont plus de temps libre, si bien qu'ils se mettent à réfléchir aux façons d'en faire le meilleur usage possible et de mener une existence plus équilibrée et plus détendue, fait-il observer. Ils prêtent aussi davantage attention à la qualité de leurs loisirs, en ce sens qu'ils ne veulent pas seulement s'amuser mais aussi faire de l'exercice pour garder la forme. » Les activités de plein air, comme la randonnée et l'escalade, qui ne coûtent quasiment rien, attirent beaucoup de monde. Yangminshan, au nord de Taïpei, est le site montagneux le plus fréquenté. Une heure suffit pour parvenir aux sentiers et commencer l'excursion.
Chen Kao-der explique que, dans le cadre de la politique de diminution du temps de travail et face à une demande croissante, l'Office de la Gestion des Entreprises de la Municipalité de Taïpei, qui est chargé de l'aménagement, de l'entretien et de la remise en état des sentiers de montagne dans les environs de la capitale, espère que l'amélioration des équipements déjà existants encouragera les citadins à sortir plus souvent de chez eux pour aller profiter de la nature. Afin de mieux promouvoir la randonnée, la municipalité a alloué quelque 20 millions de TWD (625 000 USD) annuels à l'aménagement des sentiers, qui comprend la mise en place d'une signalisation, de garde-fous et de panneaux informatifs sur l'écologie. Elle a consacré 20 autres millions de TWD à la rénovation de deux terrains de camping situés à Peitou et Neihu qui accueillent gratuitement les groupes d'au moins 20 personnes. Chen Kao-der avance le chiffre de plus de 10 000 campeurs qui s'y seraient déjà rendus.
Tout en ayant pour principales préoccupations la sécurité et les questions d'ordre pratique, les projets de remise en état doivent également veiller à ce que les chemins soient intégrés dans le paysage. Les sentiers nouvellement restaurés font entre 1,2 et 2,15 mètres de large. Ils sont construits en matériaux naturels tels que le bois et la pierre. Des traverses de voies ferrées leur assurent une surface égale, tout en leur donnant un aspect qui s'adapte parfaitement au paysage.
Chen Kao-der explique par ailleurs qu'afin de populariser davantage la randonnée et de la rendre plus accessible, son administration travaille à une intégration d'ensemble des circuits de promenade. « Notre projet est d'organiser les chemins déjà existants en réseau et de développer des équipements de loisir, ainsi qu'un système de transports adapté, précise-t-il. Dans cette perspective, nous allons lancer des missions de recherche de nouveaux itinéraires. Une intégration et un aménagement bien faits permettront aux usagers de profiter des activités de plein air de la façon la plus appropriée et la plus satisfaisante qui soit. »
En outre, à titre de promotion, l'office a publié une série de cartes et de brochures gratuites détaillant les itinéraires des chemins de montagne dans la région de Taïpei, ainsi que d'autres informations nécessaires, sur la façon d'accéder à ces lieux et la durée de la randonnée, par exemple. Pour rendre les excursions plus intéressantes, l'office a aussi installé des panneaux éducatifs et organise des activités en montagne, en association avec des groupes privés.

La randonnée offre un moyen rapide et commode de s'éloigner de la ville pendant quelques heures. (Huang Chung-hsin)
i l'aventurier du week-end juge que la randonnée manque d'intérêt ou ne constitue pas un exercice physique suffisant, il dispose d'un autre choix : l'escalade. Huang Tsung-ho, président de l'Association d'Alpinisme de la République de Chine, explique que cette activité doit aussi sa popularité grandissante au week-end de deux jours. « Auparavant, elle n'était pas très prisée parce qu'il faut disposer d'au moins deux ou trois jours de congé, explique-t-il. Inutile d'y songer quand il fallait travailler le samedi matin. » Avec un week-end complet deux fois par mois, il est plus facile d'organiser une expédition vers les sommets.
La prolifération des clubs de montagne et l'augmentation de leurs effectifs attestent de la popularité de l'escalade. Selon les estimations de Huang Tsung-ho, il existe plus de 200 clubs d'alpinisme à Taïwan. Présidant aussi la Commission d'Escalade de Yungho, il fait remarquer que, de 20 membres seulement en 1973, on est aujourd'hui passé à près de 5 000.
Pour Huang Tsung-ho, le niveau de vie plus élevé et l'importance grandissante accordée aux loisirs et au sport ont aussi contribué au succès de l'escalade. A cet égard, Taïwan possède un avantage : une multitude de montagnes. « Elles occupent les deux tiers de l'île, qui a une superficie de 36 000 km2, rappelle-t-il. Tout le centre est occupé par une chaîne montagneuse qui court de la pointe nord-est à l'extrémité sud de Taïwan. » Un peu plus de 30% de la superficie est occupée par des modelés dépassant 915 mètres. Les principaux lieux d'escalade sont les Parcs nationaux de Yushan, de Taroko et de Shei-Pa, ainsi que la chaîne du Mont Ali. « Taïwan possède quelque 200 sommets d'une altitude de plus de 3 000 mètres, recouverts de forêts pour la plupart, explique-t-il. On ne trouve que rarement un tel relief ailleurs dans le monde. »
Sur cette île qui jouit d'un climat subtropical, la végétation est particulièrement luxuriante. « Les montagnes abritent des forêts vertes et denses, de vastes vallées et une flore variée, proclame avec fierté Huang Tsung-ho. Leur beauté défie toute description. » Qui plus est, ajoute-t-il encore, on peut s'y rendre toute l'année, alors que les hauts sommets d'Amérique du Nord et d'Europe sont inaccessibles en hiver, parfois pendant plusieurs mois d'affilée.
Huang Tsung-ho avoue qu'il ne se lasse pas de la beauté des montagnes de Taïwan, qu'il explore encore fréquemment. Agé de 63 ans, il en a déjà escaladé 86 et ne compte pas s'arrêter là. Sa préférée, c'est la Tapachien, qui offre une vue extraordinaire sur les vallées voisines. « Vous seriez surpris par les merveilles de la nature, dit-il. On n'a plus envie de repartir. Le paysage enchanteur donne aux alpinistes l'impression d'être entrés dans un paradis caché. »
ydia Lai, qui est professeur d'anglais, fait aussi de l'escalade à l'étranger. Elle a exploré de nombreuses montagnes d'Amérique du Nord, d'Asie et d'Europe mais elle n'en préfère pas moins se livrer à son sport favori à Taïwan. Selon elle, le principal avantage des montagnes de l'île, c'est leur variété. « Beaucoup sont suffisamment élevées pour décliner, suivant l'altitude, des climats très différents, ce qui permet le développement de toutes sortes de plantes, explique Lydia Lai. Ainsi, en passant d'une zone tropicale à une zone froide, les alpinistes ont la possibilité d'admirer une nature très contrastée. » Ce qui l'impressionne le plus, ce sont les paysages changeants et la diversité extraordinaire de la végétation. Toute à cette « immersion dans la nature », Lydia Lai signale en outre qu'elle découvre souvent des chutes d'eau au gré de ses explorations.
Pour ce qui est de la difficulté de l'escalade, Lydia Lai explique qu'« étant d'altitude et d'escarpement différents, les montagnes ici peuvent satisfaire les alpinistes de tous les niveaux », avant d'ajouter qu'en comparaison, la pratique de l'escalade en Europe durant les hivers rigoureux exige souvent une maîtrise et une technique avancées.
Lydia Lai s'est rendue une fois sur le Mont de Jade, le sommet le plus élevé de Taïwan et d'Asie du Nord-Est à 3 952 mètres d'altitude, situé dans le Parc national de Yushan. « Quand je suis parvenue tout en haut, la beauté du spectacle m'a littéralement coupé le souffle. J'étais incapable de détourner mon regard, se souvient-elle. Cette splendeur m'a fait réfléchir sur le sens de la vie, ainsi que sur l'importance de la protection de la nature. » Lydia Lai a aussi visité le Parc national Jasper, au Canada. Elle reconnaît que les montagnes y sont magnifiques mais précise que leurs pentes sont recouvertes principalement de conifères, alors que les massifs de Taïwan abritent une variété de plantes beaucoup plus grande.
Lydia Lai approuve bien entendu l'initiative du week-end bimensuel de deux jours. « Aujourd'hui, je peux me rendre dans des destinations plus éloignées et je romps davantage avec la routine du travail », fait-elle remarquer. Avant l'établissement de cette mesure, elle devait jongler entre loisirs et obligations professionnelles et domestiques. Si elle décidait de sortir le dimanche, elle devait d'abord se dépêcher de régler ses affaires. Elle conclut avec un grand sourire : « Autre avantage non négligeable, le cafard du lundi n'est plus aussi terrible qu'auparavant. »

Les montagnes de Taïwan déclinent, en fonction de leur altitude, des climats très différents, permettant le développement d'une flore très variée. (Yeh Ming-yuan)
ans un autre registre, Huang Tsung-ho, de l'Association d'Alpinisme, estime que le gouvernement devrait transformer toutes les montagnes de plus de 1 500 mètres en parcs nationaux, afin de les intégrer dans un cadre légal qui faciliterait leur administration et leur protection. Il aimerait également que les autorités fassent davantage pour la qualité des installations. « A l'heure actuelle, le manque de lieux d'hébergement et les difficultés d'approvisionnement en eau sont les principaux désagréments dont souffrent les alpinistes, explique-t-il. Pour résoudre ces problèmes, le gouvernement pourrait, par exemple, ouvrir des campings de plus grande dimension disposant d'équipements de traitement des eaux usées, et développer de nouvelles sources d'approvisionnement. » Il voudrait également que soient construits davantage de refuges équipés en tentes, sacs de couchage et ustensiles de cuisine, afin que les alpinistes n'aient pas à transporter des équipements trop lourds quand ils partent pour plusieurs jours.
Hsieh Chang-hsien, un autre mordu des hauteurs, est du même avis : il ne fait pas de doute que la plupart des massifs de Taïwan attendent encore d'être aménagés. Selon lui, l'Office du Tourisme devrait former un groupe de travail directement rattaché aux autorités responsables, qui serait chargé d'effectuer des études sur les montagnes de l'île et de consulter les clubs d'alpinisme sur les mesures gouvernementales. De son avis, ces clubs sont des interlocuteurs privilégiés : ils accumulent de grandes connaissances sur les montagnes et n'ignorent aucun des problèmes et besoins des alpinistes.
Hsieh Chang-hsien espère aussi que le gouvernement va poursuivre l'assouplissement et la rationalisation des réglementations concernant l'accès aux zones montagneuses. La loi exige des particuliers qui veulent entreprendre l'ascension des massifs de plus de 3 000 mètres d'altitude qu'ils déposent une demande de permis auprès de la police et qu'ils soient accompagnés par un guide professionnel. Selon Hsieh Chang-hsien, ce système est à la fois trop strict et trop compliqué. Il suggère donc que les clubs de montagne aient l'autorisation d'organiser des ascensions sans guide et qu'il soit possible d'obtenir un permis d'entrée sur place. Un accès plus aisé inciterait davantage d'alpinistes — Taïwanais ou étrangers venant passer quelques jours sur l'île — à s'adonner à leur activité favorite.
Hsiao Ching-fen, directeur du Département des Parcs nationaux de l'Office de l'Aménagement et de la Construction du ministère de l'Intérieur, résume ainsi la position du gouvernement : « Dans la promotion des loisirs et l'aménagement des infrastructures de montagne, tout particulièrement dans les parcs nationaux, il faut accorder la priorité à la protection de l'environnement et cela, afin de permettre une utilisation continue des ressources naturelles qui se font de plus en plus rares et qui sont donc, à ce titre, d'autant plus précieuses. » Il ajoute qu'il ne sera pas possible d'envisager, sous prétexte d'une croissance de la demande, le lancement de nouveaux projets de développement en montagne sans prendre d'abord en compte le potentiel existant.
Certaines administrations des parcs nationaux n'en ont pas moins alloué des fonds annuels à la construction de refuges alimentés en électricité par l'énergie solaire. Elles assurent également l'aménagement et l'entretien des chemins de rondins le long des pentes escarpées et de la signalisation, tout en renforçant les patrouilles de façon à mieux garantir la sécurité des randonneurs.
Soucieux des questions de sécurité, de protection de l'environnement et de qualité des loisirs, le Département des Parcs nationaux limite l'accès au Mont de Jade. Ceux qui veulent visiter le parc doivent en faire la demande préalable dans un délai compris entre sept jours et trois mois, rappelle Hsiao Ching-fen.
Par ailleurs, en raison de conditions climatiques changeantes et d'un relief accidenté comportant certains dangers, de strictes réglementations d'entrée et la présence de guides accompagnateurs sont essentielles pour assurer la sécurité des touristes. En particulier, les étrangers qui désirent faire de l'escalade en haute montagne doivent d'abord prendre contact avec les administrations responsables ou les clubs spécialisés, afin d'obtenir des informations détaillées, ainsi qu'une assistance, pour les questions d'hébergement et d'accompagnement.